La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 mars 2023, a statué sur la recevabilité d'une preuve illicite dans le cadre d'un litige prud'homal.
M. T a été engagé en tant que conducteur par la société Compagnie des transports strasbourgeois. Suite à une plainte déposée par le salarié concernant la disparition d'un bloc de tickets, l'employeur a remis aux services de police les enregistrements du système de vidéoprotection des véhicules. Les services de police ont ensuite établi un procès-verbal, utilisant ces enregistrements, qui révélait que le salarié avait téléphoné au volant et fumé dans le bus. Sur la base de ces éléments, l'employeur a notifié une mise à pied conservatoire au salarié, l'a convoqué à un entretien préalable et l'a licencié pour faute grave.
Le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la preuve illicite, en l'occurrence le procès-verbal établi à partir des enregistrements de vidéoprotection, devait être déclarée irrecevable.
La Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d'appel qui avait déclaré la preuve illicite irrecevable. La Cour a souligné que l'employeur n'avait pas soutenu devant la cour d'appel que le rejet de la preuve illicite pouvait porter atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. De plus, la Cour a rappelé que chaque partie doit prouver conformément à la loi les faits nécessaires à sa prétention. En l'espèce, la cour d'appel avait constaté que l'employeur avait obtenu le procès-verbal de manière illicite, en méconnaissance de ses propres engagements résultant de la charte de la vidéoprotection en vigueur dans l'entreprise. Par conséquent, la preuve illicite était irrecevable.
Portée : Cette décision de la Cour de cassation rappelle que la partie qui produit une preuve illicite doit soutenir que son irrecevabilité porterait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Le juge doit alors apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure en mettant en balance les droits des parties. En l'espèce, l'employeur n'ayant pas invoqué son droit à la preuve, la cour d'appel a pu déclarer la preuve illicite irrecevable.
Textes visés : Article 9 du code de procédure civile ; article R. 156, alinéa 1, du code de procédure pénale ; Articles 3-3 et 4 de la charte de la vidéoprotection en vigueur dans l'entreprise.
: Sur l'office du juge en cas de preuve illicite, à rapprocher : Soc., 30 septembre 2020, pouvoi n° 19-12.058, Bull., (rejet) ; Soc., 25 novembre 2020, pouvoi n° 17-19.523, Bull., (cassation partielle) ; Soc., 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-12.263, Bull., (cassation) ; Soc., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-17.802, Bull., (rejet) ; Soc., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-20.798 (cassation).