La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 novembre 2020, a statué sur la licéité de la production de pièces en justice portant atteinte à la vie privée d'un salarié.
M. O..., employé par l'Agence France Presse (AFP), a été licencié pour faute grave suite à une usurpation de données informatiques. Le salarié conteste la légalité de son licenciement.
M. O... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement. La cour d'appel de Paris a jugé le licenciement justifié par une faute grave et a rejeté les demandes du salarié.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si la production de pièces portant atteinte à la vie privée du salarié est licite.
La Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel. Elle a jugé que l'exploitation des fichiers de journalisation, permettant d'identifier indirectement une personne physique, constitue un traitement de données à caractère personnel. Ainsi, cette exploitation doit faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). La Cour a également rappelé que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée d'un salarié, à condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Portée : Cet arrêt rappelle que l'exploitation des fichiers de journalisation, tels que les adresses IP, constitue un traitement de données à caractère personnel et doit être soumise aux formalités prévues par la loi. De plus, il précise que l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, mais doit être appréciée au regard de l'équilibre entre le droit au respect de la vie privée du salarié et le droit à la preuve.
Textes visés : Articles 2 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ; articles 6 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
: Sur la qualification de données à caractère personnel des adresses IP, à rapprocher : 1re Civ., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-22.595, Bull. 2016, I, n° 206 (cassation partielle), et les arrêts cités. Sur l'absence de rejet systématique des débats d'un élément de preuve illicite obtenu au moyen de données qui auraient dû faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de la CNIL, évolution par rapport à : Soc., 8 octobre 2014, pourvoi n° 13-14.991, Bull. 2014, V, n° 230 (cassation partielle). Sur le principe que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi, à rapprocher : Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.058, Bull. 2020, (rejet), et l'arrêt cité. Sur la recevabilité, sur le fondement du droit au procès équitable et du droit à la preuve, des moyens de preuve obtenus au détriment du droit à la vie privée, cf. : CEDH, arrêt du 5 septembre 2017, Barbulescu c. Roumanie, n° 61496/08 ; CEDH, arrêt du 17 octobre 2019, Lopez Ribalda et autres c. Espagne, n° 1874/13 et n° 8567/13.