La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 avril 2022, a précisé les conditions de la grève dans les services publics et la portée du préavis de grève.
M. Y est salarié de la société Keolis CIF depuis 2009. Le syndicat CGT CIF Keolis a déposé un préavis de grève courant du 22 avril 2015 au 31 décembre 2015 pour l'ensemble du personnel de la société. Le salarié s'est déclaré gréviste le 5 mai 2015. L'employeur lui a ensuite enjoint de reprendre son poste, arguant qu'il était le seul salarié gréviste et ne pouvait donc poursuivre le mouvement de grève. Le salarié a été licencié pour abandon de poste.
Le salarié a contesté son licenciement devant la cour d'appel de Versailles, qui a jugé le licenciement fondé sur une faute grave. Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la cessation de travail d'un salarié, dans le cadre d'un préavis de grève déposé par un syndicat représentatif, constitue une grève, même si un seul salarié se déclare gréviste.
La Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles. Elle a rappelé que dans les services publics, la grève doit être précédée d'un préavis donné par un syndicat représentatif. Si ce préavis doit mentionner l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail, les salariés qui sont seuls titulaires du droit de grève ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis. Ainsi, l'employeur ne peut pas déduire de l'absence de salariés grévistes que la grève est terminée, cette décision ne pouvant être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève. Par conséquent, la cessation de travail d'un salarié dans le cadre d'un préavis de grève déposé par une organisation syndicale représentative constitue une grève, peu importe le fait qu'un seul salarié se soit déclaré gréviste.
Portée : Cet arrêt de la Cour de cassation clarifie les conditions de la grève dans les services publics. Il rappelle que la grève doit être précédée d'un préavis donné par un syndicat représentatif et que les salariés grévistes ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis. De plus, l'absence de salariés grévistes dans la période visée par le préavis ne permet pas de déduire que la grève est terminée, seule l'autorité habilitée à déposer le préavis peut prendre cette décision. Ainsi, un salarié seul en cessation de travail dans le cadre d'un préavis de grève déposé par un syndicat représentatif peut prétendre au statut de gréviste et un licenciement pour abandon de poste dans cette situation est nul.
Textes visés : Articles L. 2511-1, L. 2512-1, L. 2512-2 du code du travail ; alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
: Sur les conséquences du principe selon lequel les salariés sont seuls titulaires du droit de grève, à rapprocher : Soc., 8 décembre 2016, pourvoi n° 15-16.078, Bull. 2016, V, n° 237 (cassation), et les arrêts cités.