Cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, rendu le 20 avril 2022, porte sur la question de la liberté d'expression d'un salarié humoriste et les restrictions qui peuvent lui être apportées par son employeur.
M. S, humoriste connu sous le nom de scène "Tex", était engagé en tant qu'animateur par la société Satisfy pour animer un jeu télévisé diffusé sur France 2. Suite à des propos tenus lors d'une émission télévisée, il a été licencié pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. S a saisi la juridiction prud'homale.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si le licenciement de M. S constituait une ingérence dans son droit à la liberté d'expression, tel que garanti par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. S. Elle a rappelé que la rupture du contrat de travail motivée par les propos tenus par le salarié constitue une ingérence dans son droit à la liberté d'expression. Cependant, il appartient au juge de vérifier si cette ingérence est nécessaire dans une société démocratique, en appréciant la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à cet objectif.
En l'espèce, la Cour a considéré que le licenciement de M. S était justifié. En effet, le salarié avait violé une clause de son contrat de travail en tenant des propos discriminatoires à l'égard des femmes. Le licenciement poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations et les violences domestiques, ainsi que la protection de la réputation et des droits de l'employeur. La Cour a estimé que compte tenu de l'impact potentiel des propos réitérés du salarié, reflétant une banalisation des violences à l'égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l'employeur, la rupture du contrat n'était pas disproportionnée et ne portait pas une atteinte excessive à la liberté d'expression du salarié.
Portée : Cet arrêt confirme que la liberté d'expression d'un salarié peut être restreinte par son employeur, sous réserve que cette restriction soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. Il rappelle également que la lutte contre les discriminations et les violences, ainsi que la protection de la réputation et des droits de l'employeur, peuvent constituer des motifs légitimes pour restreindre la liberté d'expression d'un salarié.
Textes visés : Article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 1121-1 du code du travail.
: Sur la nécessaire proportionnalité au but recherché de la mesure de licenciement pour justifier une restriction à la liberté d'expression du salarié, à rapprocher : Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 19-17.871, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités.