Cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 17 mars 2021, porte sur la question de savoir si un licenciement économique peut être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque les difficultés économiques résultent d'agissements fautifs de l'employeur.
Au 1er janvier 2009, le groupe Legris était organisé en trois divisions industrielles, dont la division Keyria regroupant trente et une sociétés. La société Keyria, société holding de la division Keyria, a été placée en sauvegarde et a fait l'objet d'un plan de sauvegarde. Plusieurs salariés de la société Keyria ont été licenciés dans le cadre d'un licenciement économique collectif et ont saisi la juridiction prud'homale pour contester la cause réelle et sérieuse de leur licenciement.
Les salariés ont demandé la condamnation de la société Keyria à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Keyria a demandé la transmission de questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998, ainsi que les principes de la liberté d'établissement et de la liberté d'entreprendre, doivent être interprétés de manière à empêcher un employeur de procéder librement à un licenciement collectif en cas de difficultés économiques avérées, sauf en cas de fraude.
Décision de la cour de cassation : La Cour de cassation a rejeté la demande de transmission de questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a rappelé que la directive 98/59/CE du Conseil vise principalement à faire précéder les licenciements collectifs d'une consultation des représentants des travailleurs et de l'information de l'autorité publique compétente. La Cour a également souligné que la jurisprudence critiquée de la Cour de cassation ne remet pas en cause la liberté de jugement de l'employeur quant à la décision de former un projet de licenciement collectif. Elle a précisé que cette jurisprudence repose sur des critères suffisamment précis, seuls certains comportements fautifs de l'employeur pouvant priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique.
Portée : La décision de la Cour de cassation confirme que la jurisprudence française, qui admet qu'un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur a commis une faute à l'origine du motif économique invoqué, est conforme aux dispositions de la directive 98/59/CE du Conseil. Cette jurisprudence ne remet pas en cause la liberté de jugement de l'employeur quant à la décision de former un projet de licenciement collectif et repose sur des critères suffisamment précis. Ainsi, elle n'est pas de nature à faire obstacle au droit de l'employeur de licencier et ne prive pas de l'effet utile de la directive.
Textes visés : Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs.
: Sur le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement lorsque les difficultés économiques résultent d'agissements fautifs de l'employeur, à rapprocher : Soc., 24 mai 2018, pourvoi n° 17-12.560, Bull. 2018, V, n° 85 (rejet).