La décision de la Cour de cassation du 13 janvier 2021, n° 19-13.977, porte sur la possibilité de moduler dans le temps les effets de l'annulation d'un accord ou d'une convention collective en cas de conséquences manifestement excessives.
La convention collective nationale de l'édition phonographique a été signée le 30 juin 2008 entre des organisations syndicales d'employeurs et des organisations syndicales de salariés. Cette convention comprend une annexe qui règle les conditions d'emploi, de rémunération et de garanties sociales des artistes-interprètes salariés. Certains syndicats ont engagé une action en annulation de certains articles de cette annexe.
Le Syndicat national des musiciens force ouvrière (SNM-FO) et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM) ont assigné les organisations syndicales d'employeurs en annulation des articles litigieux. D'autres syndicats sont intervenus volontairement à la procédure. La cour d'appel a décidé de reporter les effets de l'annulation de l'article litigieux au 1er octobre 2019.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si la cour d'appel a pu légalement reporter les effets de l'annulation de l'article litigieux.
La Cour de cassation rappelle que l'article L. 2262-15 du code du travail permet au juge de décider, en cas d'annulation d'un accord ou d'une convention collective, de moduler dans le temps les effets de sa décision si l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives et s'il existe un intérêt général à maintenir temporairement les effets de l'accord ou de la convention. La Cour de cassation considère que la cour d'appel a caractérisé l'existence d'un intérêt général justifiant le report des effets de l'annulation de l'article litigieux au 1er octobre 2019.
Portée : La décision de la Cour de cassation confirme la possibilité pour le juge de moduler dans le temps les effets de l'annulation d'un accord ou d'une convention collective, sous réserve de l'existence d'un intérêt général et des actions contentieuses déjà engagées à la date de la décision d'annulation. Cette décision permet de prendre en compte les conséquences pratiques et les situations établies lors de l'application de l'annulation, tout en préservant l'intérêt général.
Textes visés : Article L. 2262-15 du code du travail.
: Sur les conditions de la modulation dans le temps des effets d'une décision d'annulation de tout ou partie d'un acte, cf. : CE, 11 mai 2004, n° 255886, publié au Recueil Lebon. Sur le principe que toute décision judiciaire modulant ses effets dans le temps doit réserver la situation des justiciables ayant déjà engagé une action contentieuse à la date de l'annulation, cf. : CJCE, arrêt du 26 avril 1994, Roquette Frères, C-228/92.