Cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu le 22 juin 2022, porte sur la nullité d'une vente dans le cadre d'une opération de défiscalisation. La question posée à la Cour de cassation est de savoir si l'éligibilité d'un bien à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien.
Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, M. N et Mme P ont acquis des quirats d'un navire construit par la société Océa, suite à une présentation de la société Financière du cèdre. L'administration fiscale a refusé le bénéfice de la réduction d'impôt aux acquéreurs, arguant que le navire ne remplissait pas les conditions d'éligibilité au dispositif fiscal. M. N et Mme P ont alors assigné les sociétés Océa, Réalisations économiques et industrielles (REI) et Financière du cèdre en annulation de la vente et en indemnisation.
Après un renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris a rejeté les demandes d'annulation de la vente et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à payer des sommes aux acquéreurs. M. N et Mme P ont formé un pourvoi en cassation.
Les acquéreurs soutiennent que leur consentement à la vente a été vicié par une erreur, et demandent l'annulation de la vente. La question est donc de savoir si l'éligibilité du bien à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle du bien, et si son absence peut entraîner la nullité de la vente pour erreur.
La Cour de cassation casse partiellement l'arrêt de la cour d'appel. Elle rappelle que l'erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci, en se référant aux articles 1108, 1109 et 1110 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Elle précise également que les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien.
La Cour reproche à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si l'éligibilité des quirats au dispositif de défiscalisation ne constituait pas une qualité substantielle du bien vendu, convenue par les parties et en considération de laquelle elles avaient contracté. Elle estime que si cette qualité substantielle avait été exclue avant la conclusion du contrat, le consentement des acquéreurs aurait été donné par erreur. Par conséquent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée : Cet arrêt rappelle que l'erreur sur la substance même de la chose qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci. Il précise également que les parties peuvent convenir que l'éligibilité d'un bien à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien. Ainsi, si cette qualité substantielle est exclue avant la conclusion du contrat, le consentement des parties peut être considéré comme donné par erreur, entraînant la nullité de la vente.
Textes visés : Articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.