Cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu le 16 mars 2022, porte sur la question de l'accès au recours contre les décisions prises par le Comité de règlement des différends et sanctions (CORDIS) en matière d'accès au réseau de distribution d'électricité. La Cour de cassation se prononce sur la conformité de la procédure de recours prévue par le code de l'énergie.
La société Joul, fournisseur d'électricité, a conclu une convention d'accès au réseau de distribution avec la société Enedis, gestionnaire du réseau. Cette convention ne prévoyait pas de contrepartie financière pour les prestations de gestion de clientèle effectuées par Joul pour le compte d'Enedis. Joul a demandé à Enedis la mise en place d'un contrat de prestation de services de gestion de clientèle, mais sa demande a été refusée. Joul a alors saisi le CORDIS pour constater une infraction au principe de non-discrimination et obtenir la transmission du contrat réclamé.
Le CORDIS a constaté que Enedis avait méconnu son obligation de traitement non discriminatoire en refusant la demande de Joul. Enedis a formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Paris. Joul a demandé à la cour d'appel de mettre fin à la situation discriminatoire en enjoignant à Enedis de lui transmettre le contrat de prestations de services dans les mêmes conditions que les autres fournisseurs alternatifs.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si la cour d'appel a correctement appliqué les dispositions du code de l'énergie régissant l'accès au recours contre les décisions du CORDIS.
Décision de la cour de cassation : La Cour de cassation casse partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle considère que la cour d'appel a violé les dispositions du code de l'énergie en déclarant irrecevables les demandes de Joul pour ne pas avoir formé elle-même un recours dans les formes et délais prescrits par le code de l'énergie. La Cour de cassation estime que la cour d'appel aurait dû laisser inappliqué l'article du code de l'énergie qui empêche toute action en réparation au titre de la pratique discriminatoire constatée par le CORDIS.
Portée : La décision de la Cour de cassation rappelle l'obligation pour les juridictions nationales d'assurer le plein effet des normes du droit de l'Union européenne, même en laissant inappliquées les dispositions nationales contraires. Elle confirme également l'interdiction de toute discrimination tarifaire en matière d'accès au réseau de distribution d'électricité, conformément à la directive 2009/72/CE.
Textes visés : Articles 32, § 1, et 37, § 10, de la directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ; article L. 452-3-1, II, du code de l'énergie pour l'électricité ; article R. 134-22 du code de procédure civile.