La décision de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 2 avril 2021, numéro 19-18.814, porte sur la recevabilité d'un moyen critiquant une décision sur renvoi après cassation, lorsque la jurisprudence a évolué depuis l'arrêt de cassation.
M. L... a été employé par la société Air liquide, puis par la société Air liquide France industrie (ALFI). Il a saisi le conseil des prud'hommes pour obtenir un nouveau positionnement professionnel, des rappels de salaires et des dommages-intérêts pour discrimination syndicale. En appel, il a également demandé des dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété lié à son exposition à l'amiante.
Par un arrêt du 1er avril 2015, la cour d'appel de Paris a accueilli la demande de M. L... et condamné la société ALFI à verser des dommages-intérêts. Cependant, la Cour de cassation a cassé cette décision le 28 septembre 2016, car la cour d'appel n'avait pas vérifié si les établissements où M. L... avait travaillé étaient éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA). L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Paris.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si un moyen critiquant une décision sur renvoi après cassation était recevable lorsque la jurisprudence avait évolué depuis l'arrêt de cassation.
La Cour de cassation a jugé que le moyen était recevable. Elle a rappelé que, selon une jurisprudence constante, un moyen critiquant une décision sur renvoi qui se conforme à la doctrine de l'arrêt de cassation est irrecevable. Cependant, la Cour a précisé qu'un changement de norme, tel qu'un revirement de jurisprudence, peut être pris en compte tant qu'une décision irrévocable n'a pas été rendue. Ainsi, tant qu'un recours est ouvert contre la décision sur renvoi, il est possible d'invoquer un changement de norme intervenu postérieurement à l'arrêt de cassation.
Portée : Cette décision de la Cour de cassation permet de prendre en compte un changement de norme, tel qu'un revirement de jurisprudence, dans un moyen critiquant une décision sur renvoi après cassation. Elle garantit l'effectivité de l'accès au juge et assure une égalité de traitement entre les justiciables placés dans une situation équivalente. De plus, elle contribue à la cohérence juridique et à l'unité de la jurisprudence.
Textes visés : Article L. 431-6 du code de l'organisation judiciaire.
: Sur la recevabilité du moyen reprochant à la juridiction de renvoi d'avoir statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait, en invoquant une jurisprudence nouvelle, que le revirement soit antérieur ou postérieur à l'arrêt de renvoi, en sens contraire : Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-11.966, Bull. 2006, Ass. plén., n° 14 (rejet), et les arrêts cités ; Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-17.690, Bull. 2006, Ass. plén., n° 14 (rejet), et les arrêts cités ; Ass. plén., 19 juin 2015, pourvoi n° 13-19.582, Bull. 2015, Ass. plén., n° 2 (1) (irrecevabilité et rejet), et les arrêts cités. Sur des cas de recevabilité d'un tel moyen, évolution par rapport à : Com., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.412, Bull. 2018, IV, n° 33 (rejet) ; 1re Civ., 30 janvier 2019, pourvoi n° 16-25.259, Bull. 2019, (annulation sans renvoi), et les arrêts cités ; 1re Civ., 3 février 2021, pourvoi n° 19-10.669, Bull. 2021, (rejet), et l'arrêt cité.