Cet arrêt de la 3e Chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 2 mars 2022, porte sur la question de l'indemnisation des expropriés en cas de privation de plus-value résultant de la revente des parcelles expropriées. La Cour de cassation se prononce sur la compatibilité de cette privation de plus-value avec le droit au respect des biens, garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Les consorts B ont été expropriés de plusieurs parcelles au profit de la société publique locale Territoire d'innovation. Suite à cette expropriation, les consorts B ont réclamé une indemnité de privation de plus-value, arguant que l'expropriant réaliserait une importante plus-value lors de la revente des parcelles.
La cour d'appel de Lyon, dans son arrêt du 26 mai 2020, a fixé les indemnités revenant aux consorts B en se basant sur la valeur des biens expropriés, établie à partir d'éléments de comparaison avec des biens similaires. Les consorts B ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si la cour d'appel était tenue de procéder à un contrôle relatif à l'atteinte disproportionnée au droit au respect des biens, garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui résulterait de la privation de plus-value revendiquée par les expropriés.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à un tel contrôle relatif à l'atteinte disproportionnée au droit au respect des biens des consorts B. La Cour de cassation retient que la privation de plus-value revendiquée par les expropriés n'est pas en lien direct avec le préjudice résultant de la dépossession, qui seul peut être indemnisé par le juge de l'expropriation. La cour d'appel ayant fixé l'indemnisation en rapport avec la valeur des biens expropriés, sur la base d'éléments de comparaison, elle n'avait pas à prendre en compte la plus-value bénéficiant à l'expropriant lors de la revente des parcelles.
Portée : Cet arrêt de la Cour de cassation confirme que la privation de plus-value résultant de la revente des parcelles expropriées ne constitue pas un préjudice directement lié à la dépossession et n'a donc pas à être indemnisée par le juge de l'expropriation. Ainsi, la cour d'appel n'est pas tenue de procéder à un contrôle de proportionnalité relatif à cette privation de plus-value, dès lors que l'indemnisation est fixée en rapport avec la valeur des biens expropriés.
Textes visés : Article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.