La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 avril 2022, a statué sur la question de l'anormalité du dommage en matière de réparation des conséquences des risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé.
Le 20 juin 2012, M. P a subi une chirurgie carotidienne qui a entraîné une crise convulsive généralisée, le laissant hémiplégique. Il est décédé le 7 novembre 2016. Sa famille a assigné en responsabilité et indemnisation le médecin et son assureur, ainsi que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Les demandes d'indemnisation ont été rejetées en première instance. La cour d'appel a confirmé ce rejet en considérant que les conséquences de l'acte médical n'étaient pas anormales.
Les consorts P V contestent la décision de la cour d'appel en soutenant que les troubles survenus prématurément chez M. P étaient anormaux au regard de l'évolution prévisible de sa pathologie.
Décision de la cour de cassation : La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel en considérant que celle-ci a méconnu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. Selon cet article, la condition d'anormalité du dommage est remplie lorsque les conséquences de l'acte médical sont notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Les conséquences peuvent être considérées comme anormales si les troubles surviennent prématurément, même s'ils sont identiques à ceux auxquels le patient était exposé par l'évolution prévisible de sa pathologie. Dans ce cas, l'indemnisation ne peut être due que jusqu'à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l'absence de l'accident médical.
Portée : La Cour de cassation rappelle que l'anormalité du dommage doit être appréciée en fonction de l'évolution prévisible de la pathologie du patient. Si les troubles surviennent prématurément, ils peuvent être considérés comme anormaux, même s'ils sont identiques à ceux auxquels le patient était exposé. Cette décision permet de garantir une indemnisation adéquate des victimes de risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé.
Textes visés : Article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.