Cet arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, en date du 30 janvier 2019, porte sur la recevabilité d'un moyen critiquant une décision d'une juridiction de renvoi qui s'est conformée à l'arrêt de cassation la saisissant, mais qui ne serait pas conforme au droit de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne.
La société eBizcuss.com (eBizcuss) avait conclu un contrat avec la société Apple Sales International, contenant une clause attributive de compétence au profit des juridictions irlandaises. Suite à des pratiques anticoncurrentielles alléguées de la part des sociétés Apple Sales International, Apple Inc. et Apple retail France, eBizcuss les a assignées en réparation de son préjudice devant un tribunal de commerce français.
L'exception d'incompétence soulevée par la société Apple Sales International a été accueillie par la cour d'appel, mais cette décision a été cassée par la Cour de cassation au visa de l'article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si une clause attributive de compétence contenue dans un contrat liant les parties peut s'appliquer à une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, même si cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence.
La Cour de cassation a constaté que la Cour de justice de l'Union européenne avait interprété l'article 23 du règlement n° 44/2001 du Conseil en ce sens que l'application d'une clause attributive de juridiction contenue dans un contrat n'est pas exclue au seul motif que cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence. Par conséquent, la cour d'appel de renvoi, qui s'est conformée à la doctrine de l'arrêt de cassation la saisissant, a commis une erreur de droit.
Portée : La portée de cette décision est de rappeler que les juridictions nationales ne sont pas liées par une règle de procédure nationale lorsque les appréciations portées par une juridiction supérieure nationale ne sont pas conformes au droit de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne. De plus, cette décision confirme que l'application d'une clause attributive de juridiction ne dépend pas de sa référence expresse aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence.
Textes visés : Article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.
: 1re Civ., 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-25.259, Bull. 2017, I, n° 216 (renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne), et l'arrêt cité. Sur la portée d'une clause attributive de juridiction ne se référant pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence, cf. : CJUE, arrêt du 24 octobre 2018, Apple Sales International e.a., C-595/17. Ch. mixte, 30 avril 1971, pourvoi n° 61-11.829, Bull. 1971, Ch. mixte, n° 8 (rejet). Sur l'obligation de laisser inappliquées des appréciations portées par une juridiction supérieure nationale lorsque celles-ci ne sont pas conformes au droit de l'Union, tel qu'interprété par la CJUE, cf. : CJUE, arrêt du 20 octobre 2011, Interedil, C-396/09 ; CJUE, ordonnance du 24 mai 2016, Leonmobili et Leone, C-335/15.