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Cet arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, en date du 3 octobre 2018, porte sur la question de l'identité d'objet entre une mesure conservatoire ordonnée par une juridiction étrangère et des mesures conservatoires autorisées par le juge français.

Le tribunal du district de Limassol (Chypre) a ordonné, par une injonction dite "Mareva" du 24 avril 1998, le gel de tous les avoirs des sociétés françaises Crystal, Pralong et Société des hôtels d'altitude, afin de garantir le paiement d'une créance d'indemnisation d'un montant de 16 947 384 euros. Par une décision du 6 mars 2013, la juridiction chypriote a également enjoint à ces sociétés de divulguer l'ensemble de leurs avoirs d'une valeur supérieure à 10 000 euros. Par ordonnance du 18 décembre 2015, le juge de l'exécution français a autorisé la société Gorsoan Limited à pratiquer diverses mesures conservatoires à l'encontre des sociétés françaises pour garantir la même créance.

Les sociétés françaises ont demandé la rétractation de l'ordonnance du 18 décembre 2015 et la mainlevée des mesures conservatoires. Leur demande a été rejetée par la cour d'appel de Paris.

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si l'autorité de chose jugée attachée à une décision d'une juridiction étrangère ordonnant une mesure conservatoire empêche une nouvelle demande identique devant une juridiction d'un autre État membre.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Elle a considéré que la mesure conservatoire ordonnée par la juridiction chypriote, connue sous le nom d'injonction Mareva, avait pour objet d'empêcher le débiteur d'organiser son insolvabilité en lui interdisant de disposer de ses biens. Cette mesure se distinguait de la saisie conservatoire du droit français, qui avait pour but de garantir le recouvrement des créances. La Cour a également relevé que les mesures conservatoires autorisées par le juge français ne rendaient pas les biens concernés juridiquement indisponibles et ne privaient pas les sociétés françaises de l'accès aux liquidités maintenues à leur disposition. Par conséquent, l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions chypriotes n'empêchait pas d'autres mesures conservatoires portant sur les biens détenus en France par les sociétés françaises.

Portée : Cette décision de la Cour de cassation confirme que l'autorité de chose jugée attachée à une décision étrangère ordonnant une mesure conservatoire ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction d'un autre État membre autorise d'autres mesures conservatoires portant sur les mêmes biens. La Cour a souligné la distinction entre les objectifs de la mesure conservatoire étrangère et de la saisie conservatoire française, ce qui justifie la possibilité de cumuler ces mesures.

Textes visés : Articles 36, § 1, et 41, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2015 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; article 1355 du code civil.

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