Cet arrêt de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation, en date du 10 octobre 2019, porte sur la question de la prescription en matière disciplinaire. La Cour de cassation se prononce sur la compatibilité de l'absence de délai de prescription avec l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. H..., avocat au barreau de Paris, a présidé un tribunal arbitral dans un litige opposant les héritiers d'un artiste à une fondation créée par celui-ci. Suite à l'annulation de la sentence arbitrale pour fraude, une procédure disciplinaire a été engagée contre l'avocat.
L'avocat soulève plusieurs moyens devant la cour d'appel, notamment des exceptions de nullité de la citation et des fins de non-recevoir. La cour d'appel rejette ces moyens et déclare l'avocat coupable de manquement au principe essentiel d'honneur de la profession, prononçant des sanctions disciplinaires à son encontre.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si l'absence de délai de prescription en matière disciplinaire est compatible avec l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l'avocat. Elle considère que l'absence de délai de prescription en matière disciplinaire ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable, dès lors que les faits poursuivis ont été portés à la connaissance de l'autorité de poursuite dans un délai raisonnable.
Portée : La Cour de cassation rappelle que l'introduction d'un délai de prescription ne doit pas restreindre le droit d'accès à un tribunal de manière à le priver de sa substance même. Elle reconnaît aux États contractants une certaine marge d'appréciation en la matière, tout en soulignant la nécessité d'une analyse in concreto des faits pour déterminer si le délai de prescription est compatible avec la Convention. En l'espèce, la Cour estime que l'action disciplinaire n'était pas prescrite, compte tenu des circonstances particulières de l'affaire.
Textes visés : Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
: Sur la compatibilité avec la Constitution du défaut de délai de prescription en matière disciplinaire, cf. : Cons. const., 25 novembre 2011, décision n° 2011-199 QPC ; Cons. const., 11 octobre 2018, décision n° 2018-738 QPC. Sur la compatibilité avec la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du défaut de délai de prescription en matière disciplinaire, c.f. : CEDH, arrêt du 22 octobre 1996, Stubbings et autres c. Royaume-Uni, n°s 22083/93 et 22095/93 ; CEDH, arrêt du 20 décembre 2007, Phinikaridou c. Chypre, n° 23890/02 ; CEDH, arrêt du 7 juillet 2009, Stagno c. Belgique, n° 1062/07 ; CEDH, arrêt du 9 janvier 2013, Oleksandr Volkov c. Ukraine, n° 21722/11 ; CEDH, arrêt du 11 mars 2014, Howald Moor et autres c. Suisse, n°s 52067/10 et 41072/11.