Cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, rendu le 19 janvier 2022, porte sur le pouvoir disciplinaire de l'employeur et la modification du contrat de travail. Il aborde également la question de la liberté religieuse et de la discrimination en raison des convictions religieuses.
M. S a été engagé en tant qu'agent de nettoyage par la société France nettoyage. Suite à un transfert de contrat de travail, il est devenu salarié de la société Derichebourg propreté. L'employeur a procédé à une mutation disciplinaire de M. S en raison de son refus de rejoindre un poste sur lequel il était affecté, invoquant des convictions religieuses hindouistes l'empêchant de travailler dans un cimetière.
M. S a contesté sa mutation disciplinaire et son licenciement devant la juridiction prud'homale. La cour d'appel a annulé la mutation disciplinaire et le licenciement, considérant qu'ils étaient discriminatoires en raison des convictions religieuses du salarié.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la mutation disciplinaire et le licenciement de M. S étaient discriminatoires en raison de ses convictions religieuses.
La Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel. Elle a considéré que la mutation disciplinaire prononcée par l'employeur était justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000. Elle a également souligné que la mesure était proportionnée au but recherché, permettant le maintien de la relation de travail en affectant le salarié sur un autre site de nettoyage. Par conséquent, la Cour de cassation a conclu que la mutation disciplinaire ne constituait pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses du salarié.
Portée : Cet arrêt rappelle que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, et être proportionnées au but recherché. Il souligne également que la notion d'"exigence professionnelle essentielle et déterminante" renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause. Ainsi, la Cour de cassation affirme que la mutation disciplinaire prononcée par l'employeur était légitime et ne constituait pas une discrimination en raison des convictions religieuses du salarié.
Textes visés : Articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, et L. 1133-1 du code du travail ; articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.
: Sur l'absence de discrimination directe en raison de la religion dans la décision de l'employeur fondée sur le caractère proportionné au but recherché de la mesure, dans le même sens que : CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15 ; Soc., 22 novembre 2017, pourvoi n° 13-19.855, Bull. 2017, V, n° 200 (cassation), et les arrêts cités.