Cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu le 10 octobre 2018, porte sur les obligations du maître de l'ouvrage envers l'entrepreneur et la suspension des travaux après l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du maître de l'ouvrage.
L'association Centre médico-chirurgical des jockeys de Chantilly (CMCJ), assistée par la société Crédit agricole immobilier entreprise (CAIE) et par la société L'Atelier d'architecture hospitalière Alain Z..., a confié des travaux de restructuration à un groupement d'entreprises dont la société Sogea Picardie était la mandataire. La société Axima concept était chargée des lots désenfumage et plomberie. En raison de situations de travaux impayées et de l'absence de garantie conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil, la Sogea a mis en demeure le CMCJ de fournir la garantie et de régler les situations. Face à la défaillance du maître de l'ouvrage, la Sogea a suspendu les travaux, suivie par la société Axima concept.
La Sogea a assigné le CMCJ en paiement des travaux et a demandé la résolution du contrat. Le CMCJ a été mis en redressement judiciaire et les organes de la procédure collective sont intervenus à l'instance. Le plan de redressement du CMCJ a été arrêté par un jugement.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si la suspension des travaux par l'entrepreneur après l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du maître de l'ouvrage est licite.
La Cour de cassation confirme l'arrêt attaqué et considère que la suspension des travaux par l'entrepreneur était licite. Elle retient que la Sogea avait régulièrement sursis à l'exécution de ses prestations avant l'ouverture du redressement judiciaire du CMCJ, en raison de l'absence de fourniture de la garantie prévue par l'article 1799-1 du code civil et du non-paiement des factures par le maître de l'ouvrage. La Cour de cassation estime que l'ouverture d'une procédure collective ne peut contraindre l'entrepreneur à reprendre les travaux sans obtenir la garantie financière manquante.
Portée : Cette décision de la Cour de cassation confirme que l'ouverture d'une procédure collective n'empêche pas l'entrepreneur de suspendre les travaux en cas de non-respect par le maître de l'ouvrage de ses obligations, notamment en ce qui concerne la fourniture de garantie. Elle rappelle que l'entrepreneur a le droit de sursis à l'exécution de ses prestations tant que la garantie n'a pas été fournie.
Textes visés : Article 1799-1 du code civil ; articles L. 622-13, I et L. 631-14 du code de commerce.