ACCROCHE : Cet arrêt de la Cour de cassation, rendu le 10 juillet 2013, porte sur la question de la responsabilité de l'État en cas de violation de la présomption d'innocence par les services de police judiciaire.
FAITS : Dans le cadre d'une enquête préliminaire sur des malversations impliquant M. Philippe X..., dirigeant de la SARL X... Bureautique Informatique (la société TBI), des lettres circulaires ont été envoyées aux clients de cette société en septembre 2007 afin de déterminer s'ils avaient été victimes d'infractions. En janvier 2009, les enquêteurs ont envoyé à chaque victime potentielle une "lettre-plainte" mentionnant les délits dont ils pensaient qu'ils avaient été victimes et les invitant à porter plainte ou non.
PROCÉDURE : La société TBI et M. X... ont assigné l'État en déclaration de responsabilité pour faute lourde résultant d'une atteinte à la présomption d'innocence. Le tribunal a rejeté leurs demandes, décision confirmée en appel.
QUESTION DE DROIT : La question posée à la Cour de cassation est de savoir si l'envoi de lettres individuelles aux clients de la société TBI, présentant cette dernière comme coupable d'infractions avant tout jugement, constitue une faute lourde engageant la responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux du service de la justice.
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION : La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle estime que les lettres-plaintes ne présentent pas un caractère public, car elles sont individualisées en fonction du destinataire et ne sont pas destinées à être portées à la connaissance d'autres personnes que le destinataire lui-même. Par conséquent, la violation de la présomption d'innocence contenue dans ces lettres relève d'une maladresse, mais ne constitue pas une faute lourde.
PORTÉE : La Cour de cassation considère que pour qu'une atteinte à la présomption d'innocence constitue une faute lourde engageant la responsabilité de l'État, il est nécessaire que cette atteinte revête un caractère public. En l'espèce, les lettres-plaintes individuelles ne remplissent pas cette condition, car elles ne sont pas rendues accessibles à un public indéterminé. Ainsi, la responsabilité de l'État n'est pas engagée.
TEXTES VISÉS : Article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, articles 9-1 du code civil, préliminaire du code de procédure pénale et 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.