Cet arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, rendu le 28 juin 2019, porte sur la question de la compétence du juge judiciaire en cas de voie de fait de l'administration portant atteinte à la liberté individuelle.
M. W... V... a été victime d'un grave accident de la circulation en septembre 2008. Suite à cet accident, le médecin responsable du service de soins palliatifs au centre hospitalier universitaire de Reims a décidé d'engager une procédure collégiale pour limiter ou arrêter les traitements, y compris la nutrition et l'hydratation artificielles, de M. W... V... en avril 2018.
Les consorts V... ont saisi le Comité international des droits des personnes handicapées (CDPH) afin de dénoncer les manquements de l'Etat français à l'obligation de soins pesant sur lui au regard des obligations prévues par la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Le CDPH a demandé à l'Etat français de prendre les mesures conservatoires nécessaires pour veiller à ce que l'alimentation et l'hydratation entérales de M. W... V... ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si le juge judiciaire est compétent en cas de voie de fait de l'administration portant atteinte à la liberté individuelle.
La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait retenu la compétence du juge judiciaire. Elle déclare la juridiction judiciaire incompétente.
Portée : La Cour de cassation rappelle que la voie de fait de l'administration, justifiant la compétence du juge judiciaire, ne peut être retenue que dans la mesure où l'administration a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision portant atteinte à la liberté individuelle ou a pris une décision manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative. En l'espèce, la décision de l'Etat français de ne pas déférer à la demande du CDPH ne portait pas atteinte à la liberté individuelle et ne pouvait donc pas être qualifiée de voie de fait. Par conséquent, la juridiction judiciaire était incompétente pour en connaître.
Textes visés : Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; article 66 de la Constitution.
: Sur la définition de la voie de fait, à rapprocher : 1re Civ., 19 mars 2015, pourvoi n° 14-14.571, Bull. 2015, I, n° 68 (rejet), et l'arrêt cité.