La décision de la Cour de cassation du 16 janvier 2020, rendue par la 3e Chambre civile, porte sur la responsabilité à l'égard des tiers dans le cadre d'une opération de construction.
La SCI rue Paul Hervieu a entrepris des travaux de construction de logements après la démolition des anciens bâtiments de l'Imprimerie nationale. Plusieurs entreprises sont intervenues dans cette opération, dont la société Archipel en tant que maître d'œuvre, la société SICRA en charge des travaux, et la société VDSTP en tant que sous-traitant. Des désordres ont été constatés sur les propriétés voisines, causant des préjudices aux consorts E... Y... qui ont engagé une action en indemnisation sur le fondement de troubles anormaux du voisinage.
Les consorts E... Y... ont sollicité une expertise en référé préventif en février 2000. Suite à de nouveaux désordres, ils ont demandé une nouvelle expertise et le paiement d'une provision en septembre 2008. Ces demandes ont été rejetées en décembre 2008. En octobre et novembre 2011, les consorts E... Y... ont assigné en justice la SCI rue Paul Hervieu, la société Archipel, la société SICRA et la société VDSTP, ainsi que leurs assureurs respectifs.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si l'action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage est soumise à une prescription de dix ans à compter de la réception des travaux, conformément à l'article 1792-4-3 du code civil.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle confirme que l'action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage n'est pas soumise à la prescription décennale prévue à l'article 1792-4-3 du code civil. Elle rappelle que cette disposition est réservée au maître de l'ouvrage et n'est pas ouverte aux tiers à l'opération de construction.
Portée : La décision de la Cour de cassation confirme que les tiers à une opération de construction ne peuvent pas se prévaloir de l'article 1792-4-3 du code civil pour engager une action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage. Cette décision clarifie le régime de responsabilité applicable aux tiers dans le cadre d'une opération de construction et confirme que leur action est soumise à une prescription de droit commun de cinq ans à compter de la date de connaissance du dommage.
Textes visés : Article 2270-1 ancien du code civil ; article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; article 1792-4-3 du code civil ; article 2243 du code civil.
: Sur la prescription de l'action en responsabilité extra-contractuelle pour troubles anormaux de voisinage, à rapprocher : 2e Civ., 13 septembre 2018, pourvoi n° 17-22.474, Bull. 2018, II, (rejet). Sur l'indemnisation du préjudice subi par le tiers pour trouble de jouissance résultant des désordres de construction, à rapprocher : 3e Civ., 18 janvier 2006, pourvoi n° 03-20.999 et 04-10.250, Bull. 2006, III, n° 19 (cassation), et l'arrêt cité.