Cet arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 9 mai 2019, porte sur un différend entre avocats concernant l'évaluation des parts sociales d'une société d'avocats. La question soulevée est de savoir si le bâtonnier, chargé de l'arbitrage, peut désigner un expert pour évaluer les parts sociales et si cette évaluation est impérative.
Suite à un différend entre plusieurs associés d'une société civile professionnelle d'avocats, ces derniers ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats pour un arbitrage. Ils demandent notamment l'évaluation des parts sociales détenues dans la société. Le bâtonnier désigne un expert pour déterminer la valeur des parts sociales et statuer sur les autres points litigieux.
Les associés contestent la décision du bâtonnier devant la cour d'appel. Celle-ci considère que l'expert a commis une erreur grossière dans son évaluation des parts sociales et renvoie les parties à désigner un nouvel expert ou à saisir le président du tribunal de grande instance pour une nouvelle évaluation.
La question posée à la Cour de cassation est de savoir si l'expertise ordonnée par le bâtonnier pour évaluer les parts sociales d'une société d'avocats est impérative.
La Cour de cassation rejette le premier moyen soulevé par les associés. Elle considère que l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 28 mars 2011, ne déroge pas à l'article 1843-4 du code civil. Ainsi, l'expertise ordonnée par le bâtonnier est soumise aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil. Par conséquent, la cour d'appel ne peut pas procéder elle-même à l'évaluation des parts sociales.
En revanche, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel sur le second moyen. Elle estime que l'expert désigné par le bâtonnier dispose d'une entière liberté d'appréciation pour fixer la valeur des parts sociales selon les critères qu'il juge opportuns. Ainsi, la cour d'appel a commis une erreur en écartant le caractère impératif de l'évaluation par l'expert des parts sociales de la société.
Portée : Cet arrêt confirme que l'expertise ordonnée par le bâtonnier pour évaluer les parts sociales d'une société d'avocats est soumise aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil. De plus, il rappelle que l'expert désigné par le bâtonnier dispose d'une entière liberté d'appréciation pour fixer la valeur des parts sociales.
Textes visés : Article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, et dans sa rédaction issue de cette dernière loi ; article 1843-4 du code civil ; article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014.
: Sur l'impossibilité pour la cour d'appel de procéder à l'évaluation des parts sociales d'une société d'avocat, à rapprocher : 1re Civ., 25 janvier 2005, pourvoi n° 01-10.395, Bull. 2005, I, n° 49 (cassation partielle), et l'arrêt cité. Sur la combinaison des articles 1843-4 du code civil et 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, à rapprocher : 1re Civ., 16 avril 2015, pourvoi n° 13-24.931, Bull. 2015, I, n° 94 (1) (cassation partielle) ; 1re Civ., 16 avril 2015, pourvoi n° 14-10.257, Bull. 2015, I, n° 97 (rejet). Sur l'entière liberté d'appréciation dont dispose l'expert pour fixer la valeur des parts sociales, à rapprocher : Com., 19 avril 2005, pourvoi n° 03-11.790, Bull. 2005, IV, n° 95 (rejet) ; Com., 5 mai 2009, pourvoi n° 08-17.465, Bull. 2009, IV, n° 61 (cassation).