Cet arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 5 octobre 2022, porte sur la recevabilité d'une action en contrefaçon de droits d'auteur dans le cas d'une violation d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur.
La société Entr'Ouvert a développé un logiciel appelé "Lasso" qu'elle diffuse sous licence libre ou commerciale. Suite à un appel d'offres de l'État, la société Orange a fourni une solution informatique intégrant le logiciel Lasso. Considérant que cette utilisation du logiciel était contraire aux clauses de la licence libre et constituait un acte de concurrence déloyale, Entr'Ouvert a assigné Orange en contrefaçon de droits d'auteur et parasitisme.
Après un jugement de première instance, la cour d'appel de Paris a condamné Orange à payer des dommages et intérêts à Entr'Ouvert pour parasitisme. Orange a formé un pourvoi en cassation.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si Entr'Ouvert était recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur, malgré le fait que la violation du contrat de licence était à l'origine de l'atteinte aux droits d'auteur.
La Cour de cassation casse partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle considère que, dans le cas d'une atteinte portée aux droits d'auteur, le titulaire est recevable à agir en contrefaçon, même s'il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Ainsi, Entr'Ouvert est recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur.
Portée : La Cour de cassation se fonde sur les dispositions de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, qui prévoit que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur relève de la notion d'"atteinte aux droits de propriété intellectuelle". Par conséquent, le titulaire des droits d'auteur doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national. Ainsi, la Cour de cassation affirme que le titulaire des droits d'auteur est recevable à agir en contrefaçon, même si l'atteinte à ses droits résulte d'une violation du contrat de licence.
Textes visés : Article L. 335-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ; articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle ; article 1 de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur.
: Sur le champ d'application de l'action en contrefaçon dans la propriété littéraire et artistique, cf : CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, IT Development, C-666/18.