La décision de la Cour de cassation du 11 juillet 2018, rendue par la 1re Chambre civile, porte sur la question de l'équilibre entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression.
M. Z, secrétaire général du Front national, a assigné M. Y, auteur d'un ouvrage intitulé "Le Front national des villes et le Front national des champs", pour atteinte à sa vie privée en raison de la révélation de son homosexualité dans ledit ouvrage. L'auteur s'interrogeait sur les motifs de l'évolution du Front national, notamment en ce qui concerne son positionnement sur le mariage des personnes de même sexe et la lutte contre l'homophobie.
M. Z a engagé une action en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à sa vie privée. La cour d'appel de Paris a fait droit à sa demande, considérant que la révélation de son orientation sexuelle n'était ni justifiée par le droit à l'information légitime du public, ni proportionnée à la gravité de l'atteinte portée à sa vie privée.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la révélation de l'orientation sexuelle de M. Z dans l'ouvrage était justifiée par le droit à l'information légitime du public et proportionnée à l'atteinte portée à sa vie privée.
La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle considère que la révélation de l'orientation sexuelle de M. Z était justifiée par le droit à l'information légitime du public et proportionnée à l'atteinte portée à sa vie privée. La Cour de cassation souligne que les interrogations de l'auteur sur l'évolution de la doctrine d'un parti politique et l'influence de l'orientation sexuelle de ses membres dirigeants relèvent d'un débat d'intérêt général. De plus, M. Z étant devenu un membre influent du parti dans la région Nord-Pas-de-Calais, son orientation sexuelle revêtait une importance dans ce contexte.
Portée : Cette décision de la Cour de cassation confirme l'importance de trouver un équilibre entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression. Elle rappelle que les questions touchant le public dans une mesure telle qu'il peut légitimement s'y intéresser, éveillant son attention ou le préoccupant sensiblement, relèvent d'un débat d'intérêt général. De plus, elle souligne que les personnes publiques, en raison de leur fonction ou de leur rôle politique, peuvent voir certains actes privés ne pas être considérés comme tels, en raison de l'impact qu'ils peuvent avoir sur la scène politique ou sociale.
Textes visés : Articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 9 du code civil.
: 1re Civ., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-14.146, Bull. 2015, I, n° 85 (rejet).