Cet arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, en date du 10 octobre 2019, porte sur la mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression dans le cadre d'une diffusion télévisée.
La société France télévisions a diffusé un reportage dans l'émission "Envoyé spécial" consacré à la crise de la production laitière. M. C..., président du conseil de surveillance de la société Lactalis, a assigné la société France télévisions en justice, soutenant que le reportage avait porté atteinte à sa vie privée en mentionnant le nom de sa résidence secondaire, sa localisation précise et en présentant des vues aériennes de celle-ci.
M. C... a assigné la société France télévisions sur le fondement des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil, aux fins d'obtenir réparation de son préjudice et des mesures d'interdiction et de publication judiciaire.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si la diffusion du reportage constituait une atteinte au respect de la vie privée de M. C... et si cette atteinte était légitimée par le droit à l'information du public.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. C... en considérant que le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression ont la même valeur normative. Il appartient donc au juge de rechercher un équilibre entre ces droits et de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime. La Cour a estimé que la mise en balance des droits en présence doit prendre en considération plusieurs critères tels que la contribution de la publication au débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication, ainsi que les circonstances de la prise des photographies.
Portée : La Cour de cassation a considéré que la divulgation des informations litigieuses dans le reportage s'inscrivait dans le débat d'intérêt général abordé par l'émission. Elle a également relevé que M. C... était un personnage public et que les informations divulguées avaient déjà été mentionnées dans la presse écrite sans opposition de sa part. De plus, la Cour a constaté que la vue d'ensemble de la propriété de M. C... était accessible via le service de cartographie en ligne Google maps et que le journaliste n'avait pas pénétré sur cette propriété privée pour réaliser le reportage. Ainsi, la Cour a considéré que l'atteinte portée à la vie privée de M. C... était légitimée par le droit à l'information du public.
Textes visés : Articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 9 du code civil.
: CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, n° 40454/07. A rapprocher : 1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-28.741, Bull. 2018, I, n° 56 (cassation partielle), et l'arrêt cité.